André nous a quittés
Marcel
Pérez Texte lu en l’église de Luynes le 27 juin 2011 Ces jours-ci, comme vous tous, j’ai beaucoup pensé à André. Je suis même remonté dans le temps pour essayer de me souvenir à quelle époque j’ai commencé à le connaître. Pour me rendre compte que ce n’était pas dans la cours de l’école de Birkadem où les petits ne se mêlaient pas aux grands, ni dans notre quartier. C’était pendant les fêtes du village. Lors des années tranquilles quand il n’y avait pas encore de couvre-feu. Bien longtemps avant qu’il fasse partie de notre famille, je connaissais déjà André. Je le connaissais comme le petit prodige de l’accordéon. Celui qui jouait comme un virtuose, sur scène, dans des spectacles. Je me revois à Birkadem, sur un char, dans un défilé, avec une vingtaine de gamins, tous déguisés en musiciens de l’harmonie municipale, nos instruments jouets en main sous le regard amusé de la Fée Musique. André, imperturbable, un peu plus âgé que nous, demi-sourire aux lèvres, laissait courir sur les claviers ses doigts agiles. Pour nous, qui passions des moments difficiles chez Mme Bousquet, à faire du solfège et des dictées musicales, c’était un magicien, un prestidigitateur que nous admirions beaucoup. Un peu plus tard, il est tombé amoureux de
ma sœur Paulette et elle de lui. Au fil des ans, j’ai appris à le connaître et à l’apprécier et je vais dire pourquoi. André était fier de ses origines, et j’aimais qu’il le soit, de son immense famille dont il a fait d’ailleurs, avec Paulette, la généalogie. Fier de son père, conseiller municipal respecté et aimé, de sa mère, une femme pieuse et dévouée, sa sœur Rosette, son beau-frère Maurice et leurs filles Colette et Aline, son frère Pierrot et Marie-Thérèse et leurs enfants, Denise, le pauvre Jean-Michel, et Florence. Il était fier de la ferme à Birkadem qu’il aimait nous faire découvrir. Il y avait chez lui cette fierté d’appartenir à cette communauté d’individus qui étaient arrivés presque pieds nus en Algérie et qui avaient travaillé dur pendant des années pour transformer des terres arides ou marécageuses en jardins verdoyants et productifs. Je fais une petite parenthèse pour dire quelques mots au sujet de sa mère. Un jour, alors qu’elle allaitait encore André, elle a proposé à l’épouse d’un employé de la ferme, d’allaiter son bébé du même âge qu’elle ne pouvait nourrir elle-même. André avait donc un frère de lait, que nous avons bien connu et aimé. Mais après notre départ d’Algérie, les frères de lait se sont perdus de vue. Mais un beau jour, grâce au site Web de mon frère Roger et avec l’aide de notre ami Hamza, ils ont eu le bonheur de se parler au téléphone. Et, ce, au cours des cinq dernières années. Abderrahmane a appelé plusieurs fois Paulette depuis le décès, il est inconsolable. Lorsqu’après l’exil, Roger, mon frère, a invité André à le rejoindre à la société des Batignolles – maintenant Spie-Batignolles - André ne se doutait certainement pas qu’il y ferait une carrière aussi longue que remarquable, aussi bien en France que dans divers pays où la famille a vécu des années mémorables. Il était connu comme un travailleur infatigable très apprécié pour ses talents de comptable. Il avait atteint au fil des années le poste de Directeur administratif. André était réservé de nature, mais il suffisait qu’on aborde dans une conversation un sujet qui l’intéressait ou qui le touchait de près pour qu’il se montre intarissable. Pour qu’il se fasse très bavard, il
suffisait aussi de lui poser quelques questions sur ses enfants Michel et Éric
dont il parlait avec fierté et leurs épouses Pascale et Catherine qu’il aimait
tant, ou son épouse dont il ventait les mérites. Et dès qu’on prononçait les
noms de ses petits-enfants, son regard s’embuait immédiatement et ses yeux se
mettaient à briller d’un éclat particulier. Il fallait le voir jouer avec
Alexandre, Charlotte et Benjamin, et
leurs cousins Marie-France et Roger-José. Ils ont été gâtés ces petits
maintenant devenus grands. Ils savent à quel point leurs grands-parents-gâteaux
les ont aimés. Nous en avons été les témoins. Et j’en sais quelque chose. Lorsqu’après l’indépendance j’étais étudiant à Toulon puis à Aix, seul, la famille éparpillée dans toute la France, et que les milieux de mois étaient difficiles, je lui envoyais à Manosque un télégramme et je recevais un chèque qui me permettait de souffler un peu. Mais, Paulette et lui ont fait pour moi bien plus encore. Lorsqu’à la fin de mes études j’ai dû aller faire mon service national dans la coopération à Montréal, ce sont eux qui se sont occupés de mon fils pendant 18 mois. Et ils l’ont traité comme si c’était le-leur. Je leur en serai éternellement reconnaissant. Et combien de fois a-t-il mis au service de son entourage ses talents de comptable pour expliquer aux uns et aux autres le mystère des chiffres et les guider dans les labyrinthes des démarches administratives! J’ai évoqué sa serviabilité, je pourrais parler aussi de sa compassion. Compassion envers des membres de la famille ou d’amis, esseulés, malades que Paulette et lui vont fréquemment visiter. Peu de gens le savent, mais André, il n’y a pas si longtemps, avec Paulette, est resté au chevet de son cousin hospitalisé à Marseille de façon quasi quotidienne, lui apportant des repas que Paulette préparait, plus savoureux que ceux de l’hôpital. Et, ce, pendant plus d’un an. Il ne s’en vantait pas. C’était son cousin. C’était normal pour lui. C’était normal pour elle. Je pourrais parler aussi de ses talents de guide touristique hors pair et sa patience pour la prise de photos, lors de voyages en Espagne ou même dans la Provence profonde, de nos longs voyages sur les routes du Québec. Je pourrais parler de bien d’autres choses. Je vais m’arrêter là. André, tu es parti bien vite. Et nous le regrettons. Mais nous ne t’oublierons pas. La douleur que nous ressentons tous aujourd’hui, la douleur de ton épouse, de tes enfants, petits enfants, de ton frère et ta sœur, de tous les tiens, de ta si grande famille et de la nôtre, de tes nombreux amis, cette douleur de te voir partir si vite laissera en nous des traces indélébiles. J’aime t’imaginer aujourd’hui au paradis. Un paradis maritime. Tu es au bord de la mer, sous les canisses, devant un barbecue. Tu n’es pas seul, Christian est là, Guy aussi, Maurice et Jean-Michel et tes cousins Fossati, Roger et Jean-Claude. Tu t’occupes, comme d’habitude, de la cuisson de magnifiques sars pêchés par Christian ce matin. Les autres ouvrent les oursins que tu as ramassés avec eux, comme à Calpe. Christian te fait un clin d’œil et dit en regardant Jean-Michel et Guy, « Hé! Les jeunes, servez nous l’apéro! » Et Maurice, d’ajouter de sa forte voix, « Et n’oubliez pas la quémia! ». |
Lettre de Danielle à Paulette Danielle Robert-Pérez Texte
lu par notre cousine Jeanine Michéa-Soler
Montréal, le 24 juin 2011 Chère Paulette, Je ne sais trouver les mots pour exprimer la peine que je ressens depuis ce lundi où nous avons appris qu’André nous avait quittés. Je revois tous ces nombreux moments passés avec vous lors de nos voyages en France et ici au Québec, en Espagne ou encore en Provence. Je nous revois à Paris quand Jules et Béatrice étaient avec vous, les repas où nous étions tous réunis, un en particulier dans la cuisine, … et le jus du gigot que j’avais renversé et qui dégoulinait doucement dans le dos d’André, imperturbable! Et le pot de beurre de cacahuètes que j’avais ramené un jour du Canada pour les enfants et qui s’est fracassé sur le plancher de la cuisine (à l’époque les pots étaient en verre), quelle déception pour les petits! C’est peut-être cette année là que nous sommes partis comme des fous à la gare (j’avais mal vérifié l’heure de départ de mon train pour Toulon), André nous a laissées près de la gare - il y avait un embouteillage - et, toutes les deux nous avons couru comme nous le pouvions avec les valises pour arriver sur le quai, essoufflées, une minute avant le départ. Le train serait parti sans moi si un jeune homme ne nous avait aidées à mettre les valises dans le wagon! Vos visites chez nous sont aussi restées gravées dans ma mémoire, entre autre l’escapade aux chutes du Niagara, avec vos enfants, tu te souviens? André, silencieux mais les yeux écarquillés pour ne rien perdre du paysage et moi : « C’est beau André ?» - Lui : « Oui! » - Moi : « Alors dis-le ! » - Lui en souriant : « C’est beau! ». Combien de fois, depuis, quand on voyageait, on a rejoué cette scène tous les deux ? Cela résume bien André. Il appréciait les choses, il aimait les gens mais n’exprimait pas avec des mots ses sentiments. C’est par ses actes qu’on les devinait et quand on le connaissait bien, on le savait. Bien sûr il a eu plus tard le Charlevoix puis la Gaspésie, vous deux toujours contents de tout et nous heureux d’être ensemble avec vous au Québec: l’orage à Métis-sur-Mer, les jardins de Métis, l’orignale et son petit, l’Auberge « Chez Marie-Roses », les fous-de-Bassan de l'île Bonaventure, les ours de Saint-Jean-des-Piles, les plages, les forêts, la mer et nous, heureux de partager tout cela. Et l’Espagne, l’été 2008 reste pour moi le plus beau voyage qu’on ait fait tous les quatre, nous avons vu l’Andalousie qu’on rêvait de connaître et grâce à vous deux nous avons pu visiter l’essentiel de cette magnifique région. Que d’histoire derrière ces églises, ces villages, ces paysages! Durant tout notre séjour notre chauffeur, infatigable, se pliait à nos caprices : « Arrête-toi là pour photographier les vergers de grenadiers, et ici pour les orangers, et là pour les kakis et encore là pour les oliviers et là aussi pour le village …. » Nous n’en avions jamais vu autant à la fois! Je n’oublie pas, bien sûr, les allées et venues de l’aéroport chez vous puis chez Suzon, à Pin Rolland! André, avec ta complicité, Paulette, n’a jamais hésité à m’y emmener. Toi, me taquinant : « Tu veux y aller quand? Aujourd’hui, demain, la semaine prochaine? » – et moi, un peu gênée : « Aujourd’hui! ». Et voilà, accompagnée en Mégane par « mon chauffeur privé », je me retrouvais le jour de mon arrivée en France chez ma sœur ! Et nos séjours à Aix, les sorties dans les petits villages des alentours, les promenades dans les calanques, Sainte-Victoire, les collines d’ocre, Fontaine de Vaucluse, Les Baux de Provence (et le délicieux souper chez Michel et Pascale)… et je repense à mon dernier voyage le mois dernier, André avait l’air en forme. Je repense à notre souper sur la terrasse la veille de mon départ, on était bien, il faisait bon; dans la journée nous avions observé les oiseaux dans le jardin et cueilli des mûres… André, laisse un grand vide dans nos vies, nous ne l’oublions pas. Il restera toujours dans nos cœurs. Évoquer tous ces souvenirs m’attriste et, en même temps, met un baume sur ma peine. Merci à vous deux pour tous ces bons moments. Paulette, Michel, Éric, vos compagnes et vos petits (déjà si grands), je suis en pensée près de vous et de votre famille. Je vous embrasse tous très tendrement. Danielle Robert-Pérez, retenue à Montréal par ses obligations de grand-mère. |
Lettre à André De Georges et Marie-France
Amis très chers du défunt Texte
lu par Marie-France Bilard Il y a 3 semaines, nous étions ensemble à Bordeaux
pour nos retrouvailles annuelles entre amis qui s'étaient connus en Afrique du
Sud il y a
30 ans environ. Nous étions une vingtaine de
personnes comme tous les ans. Nous appréciions tous ce moment
d'amitié.
Tu étais avec Paulette l'un des piliers de notre
groupe, car tu avais su, lors de ta carrière et au cours de ta vie, rassembler
autour de toi les gens par ta gentillesse, ta serviabilité, ton écoute, ton
humeur égale.
En ce début de juin, rien ne laissait présager que
ce serait notre dernière fois.
J'ai pour toujours dans la tête ton beau sourire,
car tu étais heureux d'être avec nous, et dans les oreilles ta voix et ton
rire.
Nos pensées vont à Paulette, vos enfants, vos
petits-enfants, toute la famille. Pour tous, le vide sera immense. Soyez assurés
de notre amitié profonde.
Georges et Marie-France, porte-paroles de tes amis d'Afrique du
Sud
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