Voir aussi : "Des singes en Kabylie (2006)"

Les Gorges de La Chiffa
et
le Ruisseau des singes 

 Marcel Pérez, Février 2007

Les Gorges de la Chiffa furent pour les jeunes Birkadémois que nous étions un lieu particulier que nous aimions aller visiter en famille le dimanche. Nous appréciions évidemment la beauté sauvage de ces lieux, mais c'est surtout le 
Ruisseau des Singes qui nous attirait. La présence des espiègles primates en faisait une destination très exotique pour les jeunes villageois coincés entre la ville et la campagne que nous étions. 

Notre halte ne durait pas très  longtemps, car souvent nous ne faisions que nous arrêter sur notre chemin pour nous rendre à Médéa ou à Chréa. Pas très longtemps mais assez pour remporter avec nous au village des images vives de ces Cheetas endevenir, que, émules de Johnny Weissmuller, nous imaginions posséder comme compagnon de jeu.
Les films de Tarzan, au Cinéma PAX, nous les avons tous vus !  Et deux fois plutôt qu'une
.

La présence des singes était garantie. Nous savions qu'il y en aurait toujours quelques-uns qui s’approcheraient des voitures pour quémander un morceau de pain, des cacahuètes ou un fruit.  Mais
, tout le long du chemin, nous espérions tous arriver sur les lieux juste au moment où le Maître des Singes, comme nous l’appelions, un employé de l’hôtel, pousserait son long cri pour signaler à la tribu qu’il allait leur servir leur goûter de l'après-midi.
Et là commençait le spectacle.
On pouvait voir alors les magots
en grand nombre
descendre des parois rocheuses pour venir se nourrir.
Cette cérémonie avait à nos yeux quelque chose de magique.


Ces lieux ont été très tôt reconnus pour leur intérêt touristique et autre, comme le montrent les récits de voyage faits dans la région en 1845, présentés par le "Guide du voyageur en Algérie".   Les Gorges et leur fameux ruisseau était un des points forts des excursions qui menaient touristes, curieux, peintres, scientifiques, chasseurs, à la découverte de l'arrière-pays Algérois.



Les Gorges de la Chiffa en 1845


Extrait du GUIDE DU VOYAGEUR EN ALGERIE par  QUETIN (1848 )
(On peut consulter le document complet sur le site http://gallica.bnf.fr/ ).

Voici une intéressante description du chemin menant des confins de la Mitidja jusqu'à la région du Ruisseau des singes au temps où les lions de l'Atlas étaient encore nombreux. 

" Route 1. Pérégrination d'Alger à Médéa  
(Le voyage avait eu lieu en 1845)

[...] La Mitidja s'ondule en petites collines en montant vers l'Atlas ; elle s'enfonce en entonnoir vers l'endroit où les lauriers-roses de la Chiffa, de Sidi-el-Kebir, du ruisseau de Blida et de celui des Beni-Massoud, se flanquent de grands taillis et d'arbres véritables en place des jujubiers, broussailles de la plaine. La montagne, avec sa verdure sombre et non interrompue, commence au premier café arabe; où mon guide me fit boire le coup de l'étrier. La flore est toujours celle du bassin de la Méditerranée : c'est la garigue de Montpellier; par l'yeuse, le lentisque, le micocoulier et le pin d'Alep; la Sardaigne, la Sicile, l'Espagne, la Calabre, par le caroubier et le palmier éventail; la Palestine et la Corbière, par le grand genévrier et le genièvre commun; ce serait l'Asie-Mineure et le Liban, si la ,belle forêt de cèdres, d'où des Hercules sapeurs expulsent en ce moment les lions, n'était pas sur un rameau de l'Atlas plus éloigné. Au plus haut de la vallée, quand la route gravit à droite le col appelé Nador pour atteindre le plateau de Médéa ; le frôlement de gousses enflées vous signale le baguenaudier dès longtemps acclimaté dans nos jardins. Le Nador et le plateau offrent en abondance la chausse-trape bleue ; dont les moutons accrochent la graine épineuse que le commerce semait sur les plages du Languedoc en y lavant les laines de Barbarie. Les premières pluies d'automne feront refleurir l'acanthe, le cyclamen et cent liliacées. Pour les naturalistes accoutumés aux harmonies de la géographie botanique cette flore annonce un terrain calcaire reconnaissable partout où le rocher est à nu. Seulement le calcaire, mêlé à une certaine proportion d'alumine et de magnésie a une tendance marquée vers le schiste; il est fibreux quand il n'est pas feuilleté; souvent il est luisant et gras. De véritables marbres noirs veinés de blanc forment des couches assez épaisses pour l'exploitation, et entre ces deux natures de roche se place ce calcaire ardoisé fort dur dont quelque carrière remplacera les tavagna ou grandes dalles d'ardoises italiennes tant employées dans l'architecture algérienne. Au sommet du Nador un grès un peu calcaire aussi est exploité pour ferrer les rampes du col, là où elles sont taillées dans des argiles plastiques que la moindre humidité rendrait très glissantes.

Mais pour tout voyageur savant ou amateur, la véritable originalité de la vallée de la Chiffa se rencontre aux quatre premières lieues, resserrées entre deux montagnes presque verticales où chaque pas fait découvrir un site sauvage, un aspect imposant, un spectacle imprévu, mais toujours délicieux. Faites vos paquets, oisifs de Marseille, désœuvrés de Paris, n'allez plus chercher au loin des paysages pittoresques usés par le tourisme.

L'Atlas offre cent vallées où les artistes commencent à venir s'inspirer. Celle de la Chiffa est à trois heures de Blida, à neuf heures d'Alger et Alger est à deux jours de Marseille à cinq journées de Paris. Les plateaux qui la dominent y versent leurs eaux par des ravins; le rocher qui encadre la rivière est tout percé de sources. Un filet d'eau qui coule entretient une verdure très fraîche où de jolies fleurs se marient heureusement aux lianes, aux mousses, aux arbustes. Quand le ravin est un peu large, il se remplit de futaies entremêlées, précipitées comme une avalanche. Mais. le comble de la gloire, c'est que l'eau qui fertilise toutes ces plantes est visible pendant les chutes et les ressauts de son cours, et cet accident n'est pas rare. Le plus remarquable se trouve près du point le plus rétréci de la vallée, quatre ou cinq filets principaux argentent la montagne sur près de 100 mètres de hauteur. L'eau, sans tomber verticalement, roule et se brise en écume sur des pentes très roides. bouches gracieuses auxquelles les salicaires, les oléandres forment des lèvres rosées, sauvages et blanches dentures encadrées d'une barbe touffue d'yeuses , de lentisques et de caroubiers. Les Parisiens, presque autant que les Marseillais, connaissent les cascatelles des Aigalades, qu'une aimable et spirituelle Egérie défend en ce moment même contre les attaques des ingénieurs. Qu'on se les figure allongées cinquante fois, et on aura une idée de la svelte cascade de la Chiffa.

Au printemps, l'harmonie de ces musiciens dominait la grande voix des cascades et de la rivière: Les singes, qui vivent presque en l'air, sautillent sur les arbres, et viennent se baigner et jouer dans l'eau aux moments où la route est solitaire. C'est alors que les cabaretiers français les épient et les traquent. Les cafés arabes sont abandonnés le soir par leurs maîtres. Les deux cabarets ont un hôte la nuit et le jour. L'un est logé dans une masure où l'on exploite du plâtre au bas du Dahor; son rival, placé au milieu de l'étape, n'a encore qu'une cabane en branchages appuyée à quelques gros oliviers. L'emplacement est trop bien choisi pour qu'une auberge solidement bâtie ne s'y élève avant peu. [...] "

L'auteur du guide ne se trompait pas,
au cours des années plusieurs établissements y ont été construits
et on y trouve aujourd'hui même un hôtel-restaurant.  



*
Avec l'aimable autorisation de Jean-Couranjou!



Quelques photos des Gorges et du Ruisseau des singes


Des Birkadémois en excursion au Ruisseau des singes dans les années 30

Excursion

A la 3ème vitre en partant de la gauche, en blanc, Madame Bouvier, qui travaillait à la poste de Birkadem.
À côté d' elle, Madame Jacquot, soeur de Joseh Orfila.
 (D'après Germaine Orfila).



Mes photos des Gorges de la chiffa en 1962

Noria de Chez Juan

Chiffa11

Chiffa2



Chiffa3








Chiffa 5




Chiffa 7


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Chiffa 10


Pour voir d'excellentes photos récentes ou anciennes:

Des singes en Kabylie (2006)

La galerie des Singes de l'Alsacien Cyril Preiss (2005)
(S
es autres photos de l'Algérie)

Galerie du site Djamila.be (photos récentes)

Photos anciennes de la Chiffa (site AFN Collections)

Photos anciennes de Chréa (site AFN Collections)

Autres textes
.
Monographie sur le site Alger-Roi


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