Birkadem, Birkadem ... ! |
Pérez Marcel 16/05/1943 de Jules Pérez (Julot) et Béatrice Pérez née Pérez (Titis) Birkadem! Birkadem! Non je n'ai pas oublié. Non je n'oublierai jamais! J'y suis né en mai 1943, au fond de la ruelle Carreras , 38 rue du 14 juillet. 19 ans, c'est l'âge que j'avais lorsque je suis parti, le 28 juin 1962 pour ne plus revenir. 48 ans ont passé. Et ces années-là, je les presque toutes vécues ici, à Montréal le port d'attache de ma famille, mon épouse Danielle (originaire de la Seyne-Sur-Mer), mes deux enfants, José (et Heidi) et Nathalie (et Sylvain), et nos deux petites filles, Marie-Rose née en 1994 et Léonie née en 2000. Fils de Béatrice et Jules, arrivé sur le tard, je suis le plus jeune des 5 frères et soeurs - Robert, Roger, Paulette, Andrée - et j'en ai bien profité! Enfance heureuse dans une famille unie ou la chanson se pratiquait autant que la tchatche, et le plus souvent en espagnol. Mes frères et soeurs m'ont chouchouté durant toute ma petite enfance. Mes parents m'ont poussé à me dépasser, m'ont appris le sens du devoir et de l'honneur et m'ont donné le goût du beau et du travail bien fait. En 1954, après le décès accidentel tragique à Alger rue Cardinal Verdier, notre famille s'est agrandie. Et au moment du grand éparpillement, notre grand-mère Marie, Guy et Nicole ont été recueillis par la famille Sorabella-Ferrer qui s'était installée à Narbonne (notre tante Marie Pérez, notre oncle Sauveur, et la famille de Madeleine Ferrer, leur fille). Ainsi, c'est la famille Sorabella-Ferrer qui s'est occupée de nos deux cousins jusqu'à leur mariage, et de notre grand-mère jusqu'à son décès en 1984. Guy a donc vécu chez nous de 1954 à 1962. Je ne l'avais jamais remarqué mais c'est exactement la durée des "événements". Il a donc, avec moi, pendant huit années, traversé les lieux que vais décrire ici. Et, tragiquement, il nous a quitté en 1992 presqu'en même temps que notre père Jules. Guy avait tout pour être heureux et rendait heureux tous ceux qui l'entouraient. Son départ, si jeune, nous a tous bouleversés. Nous ne l'oublierons jamais. La cour arrière autant que la ruelle était notre aire de jeu. Que d'heures heureuses passées en ces lieux! qui débordait largement au-dessus de notre jardin représentait en lui seul tout un univers. Nous en faisions naturellement le domaine des tarzans en herbe que nous étions, mais aussi, au gré de notre fantaisie, un chapiteau de cirque, un avion, un gratte-ciel, un perchoir pour chanter. Que de souvenirs paratagés avec mes voisins et aussi Jacqueline Llorens qui habitait tout près et parfois Nano Perret . En ce temps-là, nous avions peu de jouets. Une simple jante de vélo devenait une arène de cirque où nous faisions travailler nos animaux imaginaires. La cour devenait tour à tour église où je disais la messe en latin et où je faisais communier les fidèles (membres de la famille qui se prêtaient au jeu ainsi que Madame Sabater qui venait aider ma mère à repriser nos nombreuses chaussettes), remplaçant, Ô sacrilège, les hosties par ... des olives vertes. Cette cour était aussi salle de spectacle lorsque, avec mon cousin Jean-Paul Agneau, je montais des spectacles de marionnettes pour les enfants du quartier. À nous deux nous formions une belle équipe! Son grand-père, Tonton Émile (Humbert), avait construit pour moi un magnifique théâtre que Monsieur Ben Ouada (Salah) l'épicier d'en face, transportait jusqu'à l'école maternelle du village, avec sa camionnette. Mlle Laporte, les institutrices et la directrice étaient ravies des spectacles que nous offrions aux petits. Birkadem, rue du 14 juillet, ce n'était pas vraiment la campagne ... mais presque. Notre jardin donnait sur la propriété Juan qui grimpait en talus cultivés (de fleurs, dans les dernières années) vers un sommet surmonté d'une masure de pierre et d'un arbre au port altier mémoires. Depuis le jardin, côté nord-ouest de la maison, nous pouvions apercevoir la villa Guibbaud où notre grand-mère maternelle, À la tombée du soir, les norias des Juan et des Guibbaud égrenaient leur notes métalliques. Nous savions alors que les bassins se remplissaient et que plus tard, dans la fraîcheur de la nuit, l'eau coulerait dans les caniveaux pour irriguer les champs sans trop s'évaporer. C'est là que sous un ciel de jais constellé de milliers d'étoiles, le chant des grenouilles s'élevait, ponctué par des échanges sonores musclés de crapauds en goguette et se mêlait à celui des grillons. Ces bruits de la nuit, combinés au parfum des giroflées qui descendait en lourdes vagues des talus de chez Juan, je ne les ai jamais retrouvés ailleurs. Ici, en Amérique du Nord, les grenouilles sifflent ou ululent selon la région, et les Ouaouarons meuglent. Après l'école de Birkadem, c'est au Lycée Bugeaud à Alger que j'ai continué mes études. Tous les matins, pour y aller, le prenais le car rouge de 7h10 ou, si j'avais trop traîné au lit, celui de 7h20 avec l'affable Monsieur Henri (Henri Bardey), le chauffeur, avec qui nous faisions la conversation pendant les 10 ou 12 km qui nous menaient jusqu'à la place du Gouvernement en passant par Birmandreïs, le Ravin de la Femme Sauvage, que Renoir immortalisa, Hussein Dey, Belcourt, le Champ de Manoeuvre, l'Agha. j'atteignais
les escaliers du lycée que je franchissais quatre
à quatre.
Je rentrais le soir par les mêmes
moyens en reprenant le car au coin des arcades de la
place du Gouvernement, sur le boulevard du front de mer ou
sous la
rampe, au niveau du port. Ainsi, tous les jours, je longeais
les
installations portuaires et je m'abreuvais du spectacle de la
Méditerranée
mouillant la baie d'Alger, sous un soleil de plomb dans un
ciel
sans nuage. C'est en tout cas ainsi, que je le revois. Pas
sous la pluie ni la grisaille, même si parfois,
nous y avions droit. En France, c'est à Aix que je me suis fixé pour finir mes études d'anglais, en passant par la Seyne et Toulon. Lycée Mignet, Lycée Dumont D'Urville, puis La Cité des Gazelles à l'université d'Aix, puis à Glasgow en Écosse où j'ai enseigné le français, puis Salon de Provence où j'ai été surveillant À la fin de ma licence d'anglais en 68, devant faire mon service militaire j'ai choisi la coopération et j'ai été nommé à l'École Normale Jacques-Cartier de Montréal ou j'ai enseigné 2 ans la linguistique comparée, la philologie anglaise et la pédagogie des langues. je suis resté à Montréal où j'ai enseigné jusqu'en 2005 le français aux anglophones. Mes études supérieures, Maîtrise et Doctorat (PhD en didactique des langues), c'est à l'Université de Montréal que je les ai faites. Et, comme nous sommes en Amérique du Nord, j'ai eu la chance de mener en parallèle une carrière de formateur de professeurs de langue. J'ai publié des ouvrages de perfectionnement de professeurs, j'ai donné de nombreux ateliers portant sur la pédagogie des langues, certains avec mon épouse qui a travaillé dans le même domaine que moi, et j'ai donné des conférences.
Je ne me vois pas vivre ailleurs.
Je suis ici chez moi. Mais il y a bien loin d'ici un autre chez moi. que je sais ne pouvoir jamais retrouver, et que je regretterai toujours. Je l'ai perdu un certain jour de juin 62 et c'est comme si on m'avait arraché la moitié de mes entrailles.
Et près d'un demi siècle plus tard Et je sais que cela ne cessera jamais.
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