Pour aller plus loin ... les jeux d'enfance d'un natif de la Mitidja


Nos jeux à Birkadem

Recueillis par les fils et filles Pérez

Les jeux, dans toutes les cultures ont de tous les temps accompagné le développement des enfants.
Ceux auxquels nous jouions dans notre village étaient probablement assez semblables à ceux des enfants des autres pays du monde.
Brueghel l'Ancien dans son tableau des "Jeux d'enfants" (Jeux d'enfants en très grand format), peint en 1560, montrait l'étonnante variété des jeux qui existaient déjà à son époque - 90 y sont représentés (voir aussi gallery.euroweb).
Rabelais, dans son Gargantua qu'il a écrit en 1534, présente lui aussi un surprenant répertoire de 215 jeux que certains ont essayé de décrypter.
Pouvons-nous donc parler d'une spécificité des jeux de notre époque, dans notre village? Probablement pas.
S'il y a spécificité, on peut penser en tout cas que celle-ci devrait s'étendre à tous les pays mouillés par la mer Méditerranée.

Les quelques jeux que nous présentons ci-dessous sont issus de notre mémoire, de celle de membres de notre famille ou encore d'amis. Certains sont plus typiques que d'autres que nous n'avons pas voulu exclure simplement parce qu'ils sont très répandus.
Ce répertoire ne prétend pas être exhaustif.
Nous continuerons à l'alimenter.

• à la pelote fumée
On utilisait une pelote de tennis ou des balles ordinaires, et même, parfois, faites avec des chaussettes roulées en boule.
Un groupe de jeunes forme une ligne et tourne le dos à un adversaire placé à environ 3 mètres en retrait.
Un joueur placé à l'avant se retourne et jette la balle vers le cinquième qui est derrière lui.
Au même moment tout son groupe se met à courir.
Celui à qui on a lancé la balle doit la récupérer au plus vite pour la relancer vers le groupe afin de toucher un des membres.
S'il réussit, il pourra rejoindre ce groupe et sera remplacé par celui qui aura été touché.
Il y avait des variantes dans ce jeu très populaire

à Chifourmi  (ou Pierre, ciseaux, papier, ou encore Pierre, ciseaux, papier, puits)
Ce jeu de mains se jouait à deux sous les regards acérés des copains prêts à éliminer les tricheurs. Les deux enfants se plaçaient face-à-face, les deux mains derrière le dos. Les trois syllabes magiques du mot CHIFOURMI étaient scandées et lorsque la troisième syllabe était prononcée chacun des deux devait en même temps sortir sa main cachée tout en lui faisant prendre une forme particulière et la lancer devant son adversaire. Il avait le choix entre trois ou quatre formes imposées : la pierre, le papier, les ciseaux ou dans une autre version du jeu, la pierre, le papier, les ciseaux, le puits.
Si les deux adversaires choisissaient tous les deux la même figure le coup était nul et on recommençait.
Sinon, la pierre brisait les ciseaux, le papier bouchait le puits et enveloppait la pierre, les ciseaux coupaient le papier, le puits avalait les ciseaux et la pierre.
Lorsque l'atmosphère s'échauffait, cela devenait un véritable sport de contact. Les mains se touchaient. Les doigts-ciseaux tentaient vraiment de couper la main-feuille, le plat de la main-feuille venait, dans un claquement sonore, boucher le trou béant du puits ou envelopper avec rage le poing tendu, et le poing, lui, s'abattait vivement sur les doigts-ciseaux qui s'en retrouvaient fortment endoloris.
Évidemment, certains tentaient de tricher en modifiant la position des doigts ou de la paume de leur main en cours de trajectoire, et là, c'était le drame! Tout le monde y mettait son grain de sel et ça finissait souvent en bagarre. 

• à Papa Vinga,  nommé ailleurs aussi Chitcha la fava ou Fava vinga : (voir l’image)
Ce jeu se jouait par équipe de 4 à 5 élèves.
Dans la cour de l'école un élève de la première équipe se plaçait debout dos au mur et prenait à la hauteur de sa ceinture la tête d'un deuxième coéquipier en l'enserrant de ses bras. Ce dernier, lui, se tenait debout sur ses jambes, penché sur le premier. Un troisième élève puis un quatrième ou même un cinquième coéquipier s'ajoutaient de la même façon à la file pour former une sorte de chenille.
La deuxième équipe entrait alors en jeu.
Comme s'il jouait à saute-mouton, un des membres de l'équipe s'élançait à toute vitesse et en s'appuyant sur le dos du dernier élève installé à la queue de la chenille, essayait de retomber le plus loin possible vers la tête de cette dernière. Les 4 autres coéquipiers faisaient de même en tâchant de garder leur équilibre, ce qui n'était pas chose facile.
Comme les plus lourds sautaient souvent les derniers, la bestiole informe finissait par se désintégrer dans les cris de douleur et les rires.
Et on recommençait en inversant les rôles.
Nous ne savions pas à cette époque que ce jeu se pratiquait depuis plusieurs siècles. (Voir aussi cette excellente description)

• au tir à la sarbacane 
Se lancer des graines de lantisques à l'aide d'un tube dans lequel on soufflait pour en expulser les projectiles était un des sports préférés dans la cour de l'école même si c'était interdit. On utilisait des roseaux, mais aussi des stylobilles quand les plumes Sergent-Major ne furent plus que des souvenirs. Inutile alors de partir à la recherche de pieds de lentisque, nous avions à portée de main une réserve presqu'inépuisble de projectiles, de simples morceaux de buvard ou de papier quadrillé bien machouillés. L'impact en était cependant moins désagréable à la victime, et le jeu perdait un peu de son intérêt. (Voir aussi cette excellente description)

 • au lancer du couteau
On lançait le couteau pour qu’il se fiche en terre puis on traçait à tour de rôle des lignes pour former une figure géométrique prédéterminée, celui qui complétait la figure gagnait).

• aux fleurs et au vent
C'était un peu comme la pelote fumée mais moins viril, c'était pour les filles.

• aux noyaux d'abricots. Plus exactement "Aux petits tas".
Avec des  noyaux d'abricots, on faisait plusieurs petits tas.
Il fallait 4 noyaux pour faire un tas, (1 noyau posé sur 3). Des petits tas qu'à tour de rôle, chacun devait démolir. Celui qui  se révélait le plus habile raflait les noyaux des autres.

• aux échasses (voir l'image)
On les fabriquait avec un manche à balai et des boîtes de conserve où on posait les pieds, ou alors des planches de forme triangulaire qu'on clouait en guise de repose-pieds. 

• aux roseaux
Un roseau coupé en tronçons de 20 cm que l'on fendait en deux parties, dans le sens de la longueur, permettait à au moins deux personnes de jouer.
On prenait les cinq tronçons dans une main, paume vers le haut, on levait et retournait vivement la main, afin que les roseaux retombent sur le dos de la main. Il fallait ensuite, délicatement, retourner les roseaux sur le sol ou la table, et faire en sorte qu'ils soient tous côté creux, ou côté bosse. Si ce n' était pas le cas, c'était à l'adversaire de jouer.

• au carré arabe (voir l'image)
           Le jeu se jouait à deux, avec trois cailloux chacunenguise de pion.
On dessinait un carré sur le sol à la craie ou au couteau dans la terre. On traçait les diagonales et les médianes. Les joueurs, jouant chacun leur tour devaient pour gagner, placer avant l'adversaire,sur les points de croisement des lignes, ses trois cailloux en une ligne droite continue.

• à la marelle
Matériel nécessaire une craie et une surface assez grande (4m sur 2 m) et ... des pieds agiles.
On dessine la marelle à 9 cases (8 cases plus le "Ciel") sur le sol à la craie.
Chaque enfant devait exécuter un circuit complet sur la marelle en procédant ainsi :
1- À l'aide du pied, faire glisser le palet sur la première case.
2- Enjamber la case 1 en sautant sur un pied pour aller à la case 2 puis sur la 3 toujours sur un pied.
3- Sauter et reposer les deux pieds en même temps sur les cases 4 et 5.
4- Sur un pied, sauter dans la case 6.
5- Sauter les deux pieds en même temps dans les cases 7 et 8.
Après la case 8 le ciel permettait de se reposer.
6- Arrivé là, tourner sur soi-même en sautant puis reposer un seul pied sur la case 6 et ainsi de suite jusqu'à la case 2.
7- Ramasser le palet sur la case 1 et sauter par-dessus la 1 pour revenir au point de départ.
8-Recommencer en lançant le palet successivement dans les cases 2 puis 3 ce qui de plus en plus difficile.

Pour les cases 4-5 et 7-8 il ne fallait pas poser les pieds dans la case où se trouvait le palet.
Si le palet touchait une ligne, on passait son tour.

• aux osselets (voir l'image)
On demandait au boucher de nous réserver des astragales de mouton qu'on faisait bouillir puis sécher. Plus tard on en trouvait en plastique dans le commerce. Mais ce n'était plus pareil ! 

• à la cachette
Un enfant s'appuyait face à un mur en cachant son visage sous ses bras croisés et comptait lentement jusqu'à 10 ou 20 selon la topographie des lieux. Les autres enfants s'éparpillaient et allaient se cachaient. Au bout de 10 l'enfant partait à la recherche des ses fuyards. Celui ou celle qui était découvert le dernier ou qu'on ne pouvait retrouver jouait alors le rôle du chercheur. Le chercheur savait qu'en ouvrant bien ses oreilles il pouvait avoir des indices sur les cachettes de ses camarades.  

• à chat perché
Tout le monde courrait dans tous les sens, un enfant étant désigné pour attrapper celui où celle qui ne serait pas perché.
Ce qui n'est pas évident quand on est nombreux.

• à Colin-maillard
Un enfant était mis au centre d'un cercle d'élèves les yeux bandés. On le faisait tourner trois fois sur lui-même pour brouiller les pistes. Ensuite, il devait essayer de toucher quelqu'un et de deviner qui c'était. S'il devinait, l'enfant qu'il avait reconnu prenait sa place.

• à « Mère, que veux-tu?»
Quelques enfants sont disposés côte à côte, un espace de quelques mètres étant réservé devant eux, limité par une ligne.
La «mère» se tient en retrait, le dos tourné.
Un enfant est désigné pour poser la question :
 « Mère- que-veux-tu ? »
Celle-ci répond :
« Un (ou deux ou plus) pas de géant. »
Ou :
« Un (ou deux ou plus) pas de fourmi . »
La mère ignorant à qui elle donne cet ordre, les enfants avancent, au hasard, à son bon vouloir.
Celui qui atteint le premier la limite a gagné.

• à la charette à roulements
On construisait les engins avec soin. On les bichonnait. On graissait les roulements à billes. On ajustait les manettes de direction.
Au grand désespoir des mères, on descendait la côte de la Colonie comme des bolides en s'arrachant la peau des mains, des pieds et des coudes.

• au cerceau  (voir l'image)
Il s'agissait de faire courir devant soi un cerceau - cerceaux de tonneaux ou jantes de roues de vélo - à l'aide d'un bâton.
On pouvait jouer seul ou à plusieurs. Dans ce cas celui dont le cerceau tombait étit éliminé.
À une certaine époque, des cerceaux d'un autre type ont plutôt servi à faire du Houlahop.

• au palet
On prenait une boîte de tabac à priser en fer blanc (La marque "La mouche" était la plus  courante), on la remplissait de terre et on la poussait du pied tout en marchant dans la rue. Les filles utilisaient aussi les boîtes de coco.

• à la barbichette « Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette, le premier qui rira aura une taloche ». Nous disions « une castagne »

• au furet.
« Il court il court le furet ...  »
Le furet des bois Mesdames
Il court il court le furet
Le furet des bois jolis
Il est passé par ici,
Le furet des bois jolis
Il est passé par là-bas
Et repassera par là ... »
Assis en rond, nous chantions cette chanson. Un enfant se levait, un mouchoir à la main. En chantant et en tournant, il le déposait discrètement derrière le dos d'un enfant assis. Dès que celui-ci s'en apercevait, il ramassait le mouchoir et courait derrière le premier enfant qui devait rejoindre sa place sans se faire rattraper. S'il perdait, il devait s' asseoir à l' intérieur du cercle. Il pouvait à nouveau participer qu'après que tous les enfants aient joué.

• au cheval-bâton  (voir l'image)
La plupart des très jeunes garçons recevaient en cadeau des chevaux de bois constitués d'un manche à balai muni d'une tête en bois peint ornée d'une crinière. Mais tous les enfants pouvaient se fabriquer un cheval à l'aide d'un simple manche à balai qu'il enfourchait pour courir dans les champs. La monture devait alors être munie d'une cordelette pour qu'on puisse l'attacher à un arbre ou un piquet de clôture pour qu'elle ne s'enfuie pas quand le cavalier aurait le dos tourné. C'est qu'on voyait beaucoup de film de cowboy au cinéma PAX!
On reconnaissait un bon cheval à sa patine. Un manche à balai neuf ne faisait pas l'affaire.   

• aux billes
Il existait plusieurs catégories de billes :  les vraies agates qui coûtaient très cher mais étaient les plus solides, les billes de verre, les billes d'argile qu'on disait "de terre" qui avaient une durée de vie assez courte et enfin de grosses billes appelées « Oeil de boeuf ». On les portait dans un sac.  
On devait frapper de sa bille celle de son adversaire,  placer sa bille dans un trou avant lui ou encore parcourir un circuit le plus rapidement possible.

• au tire-boulette
 Le lance-pierres étaient l'arme la plus facile à fabriquer à l'aide d'une branche solide en forme de Y et de bons élastiques.

• au roseau catapulte.
On fendait un roseau en quatre à une de ses extrémités comme pour en faire un « cueille-figues ».
On écartait les quatre lames pour y insérer une pierre et on lançait la pierre plus loin possible.
Celui qui lançait le plus loin gagnait.

• jeu du bouchon (ou du petit caillou)
Deux enfants tiennent dans leur main un bouchon. En chantant
« J'ai été dans mon jardin
J'ai cueilli du romarin
Pour donner à mon cousin
Tic et Tic et Tic et Tac » (Écoutez la chanson)
Chacun avance son bouchon vers l'autre, pour un échange avec celui de son adversaire.
Arrivé au premier «Tic», chacun garde son bouchon jusqu' au «Tac»
Celui qui oublie de lâcher et d'échanger son bouchon a perdu.
On peut le faire en deux manches et la belle...

• à "J'aime la galette"
 On sautait à la corde  au rythme de cette chanson, en appuyant sur la dernière syllabe, en fin de ligne :
J'aime la galette
Savez-vous comment
Quand elle est bien faite
Avec du beurre dedans 
Une fille sautait à la corde et, à la dernière syllabe, la faisait tourner au-dessus de sa tête, tout en chantant.
Ceci, jusqu' à ce qu'elle se prenne les pieds dans la corde. Elle devait alors laisser sa place.

• Au gré des flots (jeu de corde à sauter)
Sur l'air de
«Au gré des flots, je laisse aller mon bateau dessus l'eau 
Et puis, je le conduis, vers le pays le plus beau ho ho ho.» (Écoutez la chanson)
On disait aussi «au gué» et «dessur».
La corde, mollement tenue par deux enfants, se balançait d'un côté à l'autre jusqu'à une hauteur d'un mètre environ.
Un groupe d'enfants sautaient.
Quand on arrivait à «eau eau eau», la corde était soulevée en tournant, au-dessus des têtes.
Au fur et à mesure étaient éliminés ceux et celles qui s'étaient pris les pieds dans la corde.
Le dernier était  gagnant.

•  à saute-mouton  (voir l'image)
Un des joueurs se penche en avant en posant ses mains sur ses cuisses. Un autre doit sauter par-dessus en prenant appui sur son dos des deux mains. Il faut être au moins quatre.
Ceux qui tombent deviennent des moutons. 

• au bilboquet

Le bilboquet était composé d'un manche de forme tubulaire à une extrémité et en forme de coupe à l'autre. Une boule était reliée au manche par une cordelette. On devait lancer la boule en l'air et tenter de la rattraper dans la coupe.
Le bilboquet pouvait prendre une autre forme. Le manche, tubulaire à une extrémité, s'aminciçait à l'autre. La boule était percée d'un trou. Pour la rattraper on devait l'enfiler sur l'extrémité mince du manche.

• aux quilles
C'était l'ancêtre du bowling. On alignait les quilles de bois en les disposant de diverses façons et on lançait une boule pour les faire tomber.
Le jeu de quille se pratiquait et se pratique encore selon des règles variées.

• aux allumettes
Se jouait à deux. Devant les 2 joueurs on plaçait en tas entre 10 et 20 allumettes.
Chaque joueur devait retirer, selon son choix, une, deux ou trois allumettes jusqu'à ce qu'il n'en reste plus.
Le perdant était celui à qui restait la dernière allumette.


Il y en avait aussi bien d'autres! Par exemple, à la pétanque (avec des cailloux), à la marelle, aux quatre coins, au gendarme et au voleur ou à délivrance, à la toupie, aux cartes espagnoles (Ronda), aux dominos, au tric-trac (jeu de jaquet), aux dames aux dés...

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