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La Grande Place du village

Marcel Pérez

La Grande Place de Birkadem


La Grande Place de Birkadem vue de la rue des écoles

La Grande Place vue depuis la rue des écoles


Les carrelages de la Grande Place évoquent pour moi bien des souvenirs,
 visuels mais surtout sonores. 


La fête au village était toujours très attendue. 
Le bal était le clou de la soirée, précédé parfois de la retraite aux flambeaux qui partait du Café du Petit Robinson pour parcourir quelques rues du village avant de s’arrêter devant la Grande Place, 
Souvent ce furent l’orchestre Martial Ayela et, je crois, Romanelli,  qui venaient nous faire danser. 

Je n’ai qu’à fermer les yeux pour me téléporter à cette époque et pour entendre encore comme si j’y étais
les « tchee…tchee…tchee… » des pieds des couples enlacés dansant en cadence en orbite autour du kiosque à musique sur les rythmes endiablés de samba, de marches et de valses. Mais les mambos, rumbas, paso-dobles, cha-cha-chas, tangos et même les charlestons faisaient aussi la joie de tous. Et souvent, nous avions droit au quadrille – « Changez de cavalière! » - qui se terminait toujours par des farandoles effrénées entre les chaises pliantes des nombreux spectateurs et par des chutes plus ou moins voulues qui provoquaient les rires des uns et la grogne des autres.
Pour le plus grand plaisir des jeunes et des moins jeunes, les airs de boogie-woogie, puis, plus tard, de rock,
donnaient lieu à des joutes vigoureuses entre couples rivalisant d’audace dans l’exécution de leurs acrobaties.
On se souvient encore des boogie-woogie effrénés d'Hélène Girard et Marcelle Desjardins qu'elles dansaient à la perfection.

Dans notre famille, la danse a toujours eu une importance particulière.
Notre mère nous a appris à danser en même temps qu'à marcher.
Je ne peux pas me souvenir de moi ne sachant pas danser. 
Le bal était pour nous une occasion qu'on n'aurait pas ratée pour tout l'or du monde.
Mes soeurs étaient mes cavalières naturelles.
Nous dansions tout. Nous avions tellement d'entraînement à la maison!
 
Dans les bals, les jeunes savaient danser à peu près toutes les danses, il était donc facile de trouver des cavalières.
Mais pour certaines danses, on avait des partenaires attitrées.
Ainsi, le rock et le charleston, c'était exclusivement avec Geneviève Pace que je les dansais.  
On se cherchait, on se trouvait et on se lançait sur la piste avec l'énergie du désespoir. 

Évidemment avec les slows, la piste se remplissait au maximum,
Rien de mieux que cette danse qui favorisait si bien les raprochements! 
Combien de fois avons-nous dansé sur l'air de Petite fleur, Blueburry Hill ou Only you 
dans les surboums chez les uns ou les autres, ou dans les bals!
Difficile d'oublier cette période de notre insouciante jeunesse 
où les fêtes étaient d'autant plus appéciées qu'elles étaient rares.

Un jour, pourtant, le 31décembre 1959 ou 1960, mon bal de la Saint-Sylvestre
tenu dans la Salle des fêtes du village a presque été gâché. 

La veille j'étais allé me balader derrière chez moi sur la colline, comme souvent, avec un groupe d'amis. Nous étions autour du grand bassin qui recevait l'eau de la noria et qui nous servait de piscine en train de discuter et de raconter des blagues quand soudain un gamin d'une douzaine d'années eut la brillante idée de lancer une pierre sur une ruche installée à une trentaine de mètres plus haut. Des nuées d'abeilles en furie partirent alors à nos trousses dans un vrombissement étourdissant. 
Le groupe dévala la pente en s'éparpillant pour mieux tromper l'ennemi, sans grand succès, car, de toute évidence, l'armée ailée avait connu bien d'autres batailles et savait exactement quelles stratégies adopter, ce qui n'était pas notre cas.
Les guerrières visaient bien, non pas le coeur mais la tête, s'infiltrant sous les broussailles qui couvraient nos crânes pour mieux planter leur dards dans le gras notre cuir chevelu, s'agrippant à nos sourcils et rampant sous l'encolure de nos chemises. 
La débandade était telle que c'était "chacun pour soi".
Pour moi, qui me débattais comme je pouvais pour repousser mes assaillantes, la stratégie de secours était très simple,
une course en ligne droite de 200 mètres, talus après talus, jusqu'à notre cour et sa fontaine salvatrice. 
Sous le robinet de cuivre vert-de-grisé, un seau y trônait en permanence et je savais que je pourrais y plonger la tête.
Ce que je fis avec grand soulagement car la manoeuvre eut pour effet immédiat
de stopper dans l'action les redoutables bestioles. 
Le temps de respirer un bon coup, puis la douleur s'est installée.
C'est alors que j'ai compris que mon crâne n'avait pas été 
le seul objet d'attention de ces guerrières, mes sourcils avaient eux aussi été pris d'assaut. 
Et c'est devant l'armoire à glace familiale que j'ai pu mesurer de visu l'étendue des dommages. 
De la dizaine de piqûres dont j'avais été victime, seules les plus visibles me dérangeaient vraiment.
Sourcils boursouflés, oeil droit à demi-fermé,  Et tout ça la veille d'un bal annuel, une si rare occasion dans ces temps troublés! Pour l'adolescent que j'étais, c'était la catastrophe. 
Aller au bal défiguré ! Il ne  manquait plus que ça!

En fait, ce soir là, malgré mes blessures de guerre et mon sparadrap sur l'oeil
j'ai tout de même eu le courage de m'y rendre et je m'y suis amusé sans me sentir trop ridicule. 
Mon amie Jaqueline Llorens, ma quasi-voisine de l'époque, s'en souvient encore,
La dernière fois que nous nous sommes parlé, alors que nous nous remémorions au téléphone les bons moments passés au village et dans cette arrière-cour commune qu'était la colline des Juan, elle m'a dit tout à coup :
"Tu te souviens des abeilles?"
Je n'en revenais pas !
Plus de quarante cinq années avaient passé et elle s'en souvenait encore! 

Comme quoi je n'avais pas eu si tort que ça de m'en faire!  
 


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